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Lucky Luke, un cow-boy présent sur tous les fronts

Oubliez John Wayne dans les westerns de John Ford ou Clint Eastwood dans leurs versions « spaghetti » vues par Sergio Leone : le cow-boy le plus célèbre de tous, c’est Lucky Luke, point. Le héros créé par Morris traîne ses bottes et fait sonner ses éperons depuis si longtemps qu’il semble bien être devenu immortel. Sans compter qu’il a quitté l’Ouest américain dessiné pour truster tous les supports culturels possibles et imaginables. Plus si solitaire que cela, le « poor lonesone cow-boy ».

Le Nouveau western

La popularité du héros sorti de l’imagination du franco-belge Morris est une exception dans le monde de la bande-dessinée. Vous allez me rétorquer : et Tintin ? Oui, mais Tintin n’existe plus depuis les « Picaros » en 1976. Astérix et Obélix ? Bien sûr, mais ils sont plus rares et, si l’on met de côté les longs-métrages de cinéma, leurs nouveautés sont très irrégulières.

Lucky Luke, lui, n’a jamais cessé de tirer plus vite que son ombre – celle-ci planant désormais sur toute une frange de la culture populaire. Fort de quelques 80 albums vendus à 300 millions d’exemplaires, et d’une présence sur la plupart des supports qui constituent le monde du divertissement – cinéma, télévision, jeux vidéo, jeux de société –, le cow-boy est devenu un élément du décor.

Le décès de Morris, en 2001, n’a pas stoppé la machine à sous. Adoubé par le maître, le dessinateur Achdé a repris le flambeau, d’abord avec Laurent Gerra au scénario (La Belle province, paru en 2004), puis avec le duo Daniel Pennac / Tonino Benacquista. Avec un album qui sort tous les 18 à 24 mois, c’est le jackpot à chaque fois. Luke est décidément « lucky ».

Lucky Luke, personnage emblématique

Connu comme le cow-boy qui « tire plus vire que son ombre », à la fois galant, respectueux, séducteur, et dénué de toute peur, Lucky Luke une sorte de chevalier errant qui s’est donné pour but de défendre la veuve et l’orphelin, sans se laisser dévorer par l’attirance l’odeur de l’or qui rend fou les pionniers de l’Ouest américain.

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Coiffé de sa longue mèche noire, Lucky Luke est invariablement vêtu d’une chemise jaune, d’un gilet sombre, d’un foulard rouge, d’un pantalon bleu, de bottes marron et d’un chapeau blanc. Ces signes physiques distinctifs en ont fait un personnage emblématique, facile à croquer et à reconnaître, aisé à transposer d’un médium à l’autre sans (trop de) dégâts.

D’abord rustre et violent, Luke change de caractère avec l’arrivée au scénario de René Goscinny : dès lors, il ne tue plus ses ennemis mais se contente de les désarmer avec adresse ; il devient un serviteur de la justice et joue parfois son rôle de cow-boy en menant les troupeaux ou en conduisant des caravanes de pionniers, histoire de ne pas oublier le contexte historique.

Bien sûr, aux côtés du héros, il y a d’autres protagonistes qui ont rendu la BD célèbre : le cheval de Lucky Luke, Jolly Jumper, qui commente la situation en aparté pour le lecteur ; le chien Rantanplan, sans doute le canidé le plus fainéant du monde ; et les ennemis jurés du cow-boy, les 4 frère Dalton, du plus grand (et plus stupide) au plus petit (et plus malin).

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Naissance et évolution

Lucky Luke « naît » à l’occasion d’un hors-série du journal Spirou, l’Almanach 1947, en 1946, sous la plume de Morris. Depuis, chaque album a été pré-publié dans un magazine dédié à la bande-dessinée : Spirou (1946-1967), Pilote (1967-1973), Le Journal de Lucky Luke (1974-1975), Le Journal de Tintin (1975-1976). Il a ensuite été accueilli par Pif Gadget, et même par Paris Match ou VSD.

D’abord seul aux commandes, Morris a rapidement été épaulé par de nombreux scénaristes, dont le plus célèbre fut René Goscinny, le papa d’Astérix. En arrivant sur le 9e album (il y restera jusqu’au 46e, exception faite du numéro 10), Goscinny donne à Lucky Luke toute sa cohérence narrative, et transforme la BD en phénomène.

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Il place des anachronismes et des références culturelles, ainsi que quelques calembours (malgré l’interdiction formelle de Morris). C’est aussi lui qui invente les gimmicks les plus connus de la série : le slogan de « l’homme qui tire plus vite que son ombre », la conclusion de chaque album avec chanson sur fond de soleil couchant, le chien Rantanplan (parodie de Rintintin).

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Tagada, voilà les Dalton… et les autres

La série est truffée de références historiques qui parodient personnages et faits : les frères Dalton (qui ont existé, oui !), Calamity Jane, Wyatt Earp, Jesse James, Billy the Kid, Abraham Lincoln (qui confie des missions au héros), la construction du chemin de fer transcontinental, l’arrivée de la machine à sous, le télégraphe, la guerre de Sécession, etc.

Au début, Morris crée son univers de toutes pièces et n’a pour objectif que de parodier les westerns, sans plus de sérieux. Les choses évoluent après un voyage aux États-Unis : le dessinateur modifie l’angle de son récit, non pas pour en gommer l’humour, mais pour y adjoindre de l’authenticité historique par petites touches.

Il s’amuse également à replacer nombre de figures archétypiques du western : le shérif (discret, souvent pleutre), le saloon (poker, bagarres et cancan), le croque-mort (qui apparaît pour prendre les mesures avant un duel au pistolet), le banquier (et sa montre à gousset), l’agent du télégraphe, les vautours, etc.

En outre, nombreuses sont les personnalités qui ont été caricaturées au fil de la BD. Surtout des acteurs : Louis de Funès, Jack Palance, Lee Van Cleef, Christopher Lee, Jean Gabin, Kirk Douglas, Sean Connery, Gary Cooper, James Coburn… Mais aussi Serge Gainsbourg ou Groucho Marx, ou encore des personnages de film (le Norman Bates de Psychose).

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Good Luke !

Mais Lucky Luke est partout, pas seulement dans la bande-dessinée. Il s’est intégré à la culture populaire comme un tatouage s’insinue dans la peau, devenant impossible à gommer. Il est devenu un personnage de films, de longs-métrages d’animation, de séries animées, de nombreux jeux vidéo, de jeux de société. Il s’est transformé en figurine et a inspiré le Woody de Toy Story.

Au cinéma, il s’est matérialisé sous les traits de Terence Hill (Lucky Luke, 1991) puis de Jean Dujardin (Lucky Luke, 2009), après être apparu quelques secondes dans la potacherie d’Eric et Ramzy, Les Dalton. Heureusement que les longs-métrages d’animation, au nombre de 4, sont venus redorer le blason du célèbre cow-boy, qui n’a pas eu beaucoup de chance sur grand écran.

Mais si l’on regarde bien, l’adaptation la plus intelligente est peut-être la parodie de western de Zemeckis, Retour vers le futur III, qui reprend plusieurs éléments propres aux westerns spaghetti de Leone, mais également des références graphiques à la BD de Morris avec tous ses clichés du grand Ouest. Dans la version française, Marty appelle d’ailleurs sa voiture temporelle Jolly Jumper !

Comme quoi, ce cow-boy là est décidément immortel. On n’a pas fini de voir traîner ses bottes et d’entendre ses éperons au détour des saloons, pour sûr.

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